Rapport d'activité 2022

Perspectives des économistes

Néanmoins, en Europe, la crise énergétique tant redoutée est moins sévère qu’initialement anticipé. Dans un contexte de météo hivernale clémente, la diversification des sources d’approvisionnement en gaz et les efforts de sobriété consentis par les ménages et les entreprises ont permis de réduire les tensions sur les marchés de l’énergie et d’éloigner le spectre de rationnements contraints. Par ailleurs, les secteurs, comme l’automobile ou l’aéronautique, fortement pénalisés par les problèmes de logistique mondiale pendant et en sortie de Covid, ont renoué avec la croissance, ce qui soutient les indices de production industrielle. La prudence reste néanmoins de mise. Si, en 2022, nombre d’entreprises, notamment les plus énergivores, ont été relativement immunisées grâce à des contrats de couverture, leur facture énergétique risque de nettement se renchérir en 2023, de quoi mettre sous pression les marges et les profits. Si on y ajoute le durcissement des conditions financières à mesure que la BCE augmente ses taux d’intérêt, un coup de frein à l’investissement reste probable. Si le pic d’inflation est derrière nous, la diffusion des hausses de prix passées va continuer de peser sur le pouvoir d’achat des ménages et donc sur la consommation, à l’heure où les États sont contraints de cibler davantage leur dispositif de soutien. Au total, si la zone euro devrait finalement éviter la récession, la croissance devrait rester léthargique et sensible au moindre choc.

Les craintes concernant une crise énergétique forte s’étant estompées dès les premières semaines du mois de janvier, l’appétit pour le risque est rapidement reparti à la hausse, même sur les actifs les plus risqués qui ont bénéficié d’importants flux acheteurs.

De son côté, après une très forte hausse des taux en 2022 qui avait fortement pénalisé ses performances et quasiment fermé le marché primaire, le fixed income a retrouvé son statut de valeur refuge en 2023 et l’intérêt des investisseurs. La combinaison de taux plus élevés et de spreads plus larges a créé un très fort appel d’air sur le marché du crédit euro en particulier.

Après seulement un mois, le retour sur investissement des actifs financiers a dépassé les 15 % sur l’Eurostoxx 50 et plus de 2 % sur le marché du crédit Corporates (à comparer avec des pertes de l’ordre de 13 % sur les deux classes d’actifs en 2022). Des performances record qui ne semblent pas forcément compatibles avec la faible visibilité qu’offre l’économie en général (une inflation et un marché de l’emploi beaucoup plus forts qu’attendu par le marché et les banques centrales).

Qu’en sera-t-il pour le reste de l’année ? Au moment où nous rédigeons ce texte, trois scénarios restent encore possibles. Le premier, le scénario d’une stagflation entretenue d’une part par un marché de l’emploi très tendu et nécessitant une nouvelle vague de hausse de taux, n’est pas exclu notamment du fait de la réouverture de la Chine et des impacts que cela pourrait avoir sur le prix de l’énergie en particulier. Le second scénario est celui d’une chute brutale de la consommation liée à une forte perte de pouvoir d’achat (notamment aux États-Unis si le marché de l’immobilier devait chuter suite à la hausse des taux) entraînant un ralentissement économique plus fort qu’attendu. Les premiers indicateurs européens de consommation du mois de décembre sont apparus comme beaucoup moins résilients. Enfin, le troisième scénario d’un ralentissement économique modéré accompagné par une baisse progressive des taux sans impact majeur sur la consommation et les performances du secteur privé reste, lui aussi, encore possible.

« La combinaison de taux plus élevés, de spreads plus larges a créé un très fort appel d’air sur le marché du crédit euro en particulier. »

Ces trois scénarios impliquent des politiques monétaires, fiscales, des niveaux de taux, de spreads de crédit, des multiples de valorisation et des niveaux d’appétit pour le risque qui sont diamétralement opposés, et donc un niveau de volatilité fort jusqu’à ce que le point de stabilisation de l’économie soit atteint. La visibilité tardant à revenir sur les facteurs clés de l’économie (États-Unis : absorption de l’excès d’épargne au deuxième trimestre ; Europe : baisse durable de l’inflation pas avant le quatrième trimestre et Chine : effets du redémarrage de la consommation sur les prix de l’énergie au troisième trimestre), les positions statiques ont peu de chances de donner les meilleurs résultats en fin d’année.